Le deuil, cette émotion encore mystérieuse, par Yves Alphé

Comprendre ce qu'est le deuil

 

Rappelons d'abord que le terme même de "deuil" provient du latin "dolere" qui signifie souffrir. En effet, le deuil est une émotion négative pouvant s'exprimer par de la tristesse, mais aussi de la colère, de la culpabilité ou un sentiment d'injustice et parfois tous ces élément à la fois, précise Yves Alphé.

 Telle une plaie ouverte, le deuil va passer par un processus de cicatrisation. La cicatrice sera toujours présente mais la plaie beaucoup moins douloureuse. Mais attention : cela ne veut pas dire que le deuil signifie l'oubli. De plus, le deuil n'est jamais vécu de la même manière pour tout le monde, signale Yves Alphé : le chagrin ne peut se manifester qu'après quelques temps après le décès ou tout de suite après, la douleur peut submerger quelques mois après la disparition du proche, la période dite "de reconstruction" peut s'effectuer de manière plus ou moins longue…

Tous ces éléments dépendent du caractère de chacun, de son approche de la mort et du deuil et de sa relation avec la personne décédée, précise Yves Alphé.

Les derniers instants passés avec l'être proche, exemples avec Yves Alphé

Suivant la cause du décès et des derniers instants passés avec la personne concernée, le deuil sera totalement différent, explique Yves Alphé. Dans le cas d'une maladie incurable en phase terminale par exemple, les proches commencent déjà à faire leur deuil implicitement et communiquent en général plus facilement avec le proche malade qu'ils savent bientôt parti.
C'est en quelque sorte un "au revoir" du vivant de la personne malade. Toutefois, le dialogue concernant la mort avec une personne condamnée reste cependant encore très tabou, comme la mort elle-même, rappelle Yves Alphé.

Prenons un autre cas : suite à une violente dispute avec un de ses proches, une personne commet un suicide. Le proche en question ressentira une violente culpabilité car il se sentira responsable de l'acte suicidaire de la personne avec qui il s'était disputé. Dans ce type de deuil, colère et culpabilité sont deux émotions très fortes ressenties au cours du décès de l'être cher, indique Yves Alphé.

Enfin, dans le cas d'une mort accidentelle et soudaine (homicide, accident de la route, catastrophes naturelles…), c'est le sentiment d'injustice qui prendra le dessus. Les proches se poseront la question "pourquoi lui/elle?". Les derniers mots prononcés avec l'être disparu prennent là encore leur importance précise Yves Alphé : l'on ressentira une sorte de soulagement si l'on s'était confié au proche disparu alors que l'on se sentira coupable si les derniers instants passés n'étaient pas très positifs. Pourtant, si la mort est accidentelle, il faut arriver à se dire que les derniers instants passés ne sont pas liés au décès de la personne, afin de déculpabiliser dans le processus de deuil, précise Yves Alphé.

Une multitude de deuils

Il faut savoir qu'en matière de deuil, il existe en vérité une multitude de deuils. Tout dépend de la personne endeuillée, la personne disparue et leur relation. Ainsi, un conjoint perdant sa moitié perdra également le "nous" que constituait le couple et tout ce qui l'accompagne : la chaleur humaine, une oreille attentive, le besoin physique de serrer l'autre contre soi…d'autres considérations plus terre-à-terre sont à prendre en compte dans le deuil d'un conjoint dans un couple, précise Yves Alphé, surtout s'il y a des enfants : le décès d'un des parents peut chambouler le train de vie complet de toute la famille en raison d'un manque de ressources financières que cela induit. En d'autres termes, le décès d'un conjoint implique souvent une restructuration de la vie familiale (ex : déménagement, changement de poste professionnel, nouveau conjoint…) qui peut fondamentalement toucher l'enfant ou l'adolescent orphelin de son père ou de sa mère.

L'enfant face à la mort

C'est une question qu'Yves Alphé avait abordé lors d'un colloque spécialement dédié à ce sujet et dont vous pourrez retrouver la retranscription sur le blog Midilibre d'Yves Alphé. En effet, l'âge auquel survient le deuil chez l'enfant varie grandement selon l'âge de ce dernier. Il n'appréhendera en effet pas la mort de la même façon selon qu'il ait 3, 7 ou 10 ans par exemple.

Ainsi, avant l'âge de trois ans, indique Yves Alphé, l'enfant perçoit la détresse et les émotions de ses proches. S'il n'est déjà plus un nourrisson, il peut se mettre à rechercher, dans le cadre de la perte d'un proche, ce dernier. Il peut également vivre le deuil comme une absence prolongée, indique Yves Alphé, tout en ressentant la douleur des autres.

Jusqu'à l'âge de 6 ans, le décès est perçu par l'enfant comme quelque chose de réversible. Il peut alors vivre avec "un parent/frère/sœur imaginaire" en attendant le véritable retour de l'être disparu, indique Yves Alphé.

Le caractère irréversible de la mort n'est compris par l'enfant qu'à partir de 6,7 ou 8 ans (cela dépend des enfants et de l'éducation reçue). Il peut alors, du fait de son deuil, se sentir marginalisé voire "anormal". Il aura alors tendance à ne pas montrer ses émotions et poser peu de questions, indique Yves Alphé. Une attitude qui peut également s'accompagner par moments de réactions agressives et comportements de régression. Par ailleurs, l'enfant peut percevoir la mort comme contagieuse et peut avoir la crainte de l'attraper comme une maladie.

Enfin, rappelle Yves Alphé, après l'âge de 8 ans, l'enfant est en mesure de comprendre le sens de la vie et de la mort. Il a alors besoin de connaître les véritables causes du décès pour mieux faire son deuil. Il peut chercher à se protéger en masquant ses émotions ou en se confiant à quelqu'un d'extérieur à la famille comme un professionnel ou un bénévole afin d'exprimer son ressenti.

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